Adrianna Wojcik.
Difficile de qualifier et de « classer » le travail d’Adrianna Wojcik. On serait tenté par le qualificatif d’expressionnisme, voire teinté de symbolisme, et de se laisser aller à des comparaisons formelles avec Marlène Dumas ou Lucian Freud, proximités ou influences revendiquées par elle-même. On pourrait également regarder du côté de la peinture Nabi pour le traitement, ou de la Figuration Narrative pour le côté objets du quotidien et de tant d’autres encore, tant sa peinture semble pétrie de nombreuses images déjà perçues mais de manière subtilement différente.
Cependant, ce qui fait la qualité particulière du travail d’Adrianna Wojcik, c’est qu’il est précisément assez troublant, difficile à qualifier, à décrire en quelques mots de résumé, exercice pour lequel j’ai pourtant une certaine habitude. Nous sommes évidemment face à de la peinture revendiquée en tant que matériau essentiel pour transcender le réel. Dans une peinture également silencieuse, qui invite à la réflexion, la méditation. Le travail est sensible, on ressent bien la part d’émotion et d’humanité, transmise par le corps, dans le traitement, les sujets, la proximité immédiate.
Mais l’élément qui en fait la qualité singulière, se situe probablement autour de « l’interstice » situé entre l’apparition / disparition, le banal / extraordinaire, le trivial / sublimé, zone indéterminée et invisible que l’artiste cherche à faire surgir et qui provoque chez le regardeur une forme d’équilibre instable, d’indécision sur ce qu’il pense voir et ressentir. Du non-dit effleuré à la surface. De cet état en apesanteur, qui marque un moment du temps suspendu entre deux révolutions, de l’événement en train de se produire, ou d’être remarqué par une personne, ou sur le point de se produire, ou encore qui vient à peine de se produire. De là une qualité rare, illustrée tant par les sujets (objets anachroniques, éternels et cependant au bord de la chute, paysage-passages, étranges, en cours de changement, expressions suspendues, émouvantes, matières fluides, à peine présentes, témoignant de la dimension éphémère et fragile de toute représentation mentale, matière absente laissant apparaître le long temps de l’arbre derrière l’expression saisie à l’instant d’un visage). On sent bien qu’une histoire est en train de se raconter, on ne sait pas bien laquelle, mais si on a la patience de contempler, on peut se laisser absorber. »
Frédéric Elkaïm
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