Guidette Carbonell (1910-2008)

Née à Meudon en 1910 d’un père médecin d’origine catalane et d’une mère arménienne que sa famille avait envoyé étudier la peinture à Paris dans l’atelier d’Eugène Carrière, Guidette Carbonell a choisi dès son plus jeune âge une vie d’artiste qu’elle a mené jusque dans les années 90 avec une détermination et une indépendance remarquables. Amie du grand céramiste catalan Josef Llorens Artigas, formée dans les écoles d’art de la rive gauche, où elle suit les cours d’André Lhote, d’Othon Friesz et de Roger Bissière, elle s’oriente vers la céramique, pressentant qu’elle y trouvera sa liberté d’expression.

Plus tard, le goût de l’expérimentation, la recherche d’un matériau plus léger la pousseront à abandonner le travail de la terre et du ciment pour des tapisseries, qu’elle composera à la manière de son  maître et ami Bissière avec des fragments de tissus collés et cousus. Dans un temps où il a été parfois difficile de départager l’artiste de l’artisan, où souvent les peintres ont abordé la céramique et la tapisserie comme un simple support de formes, céramique et tapisserie font partie intrinsèque de l’art de Guidette Carbonell. Les traitant à sa manière très particulière, entre abstraction et figuratif, leur incorporant des éléments, verre ou métal, au gré de sa fantaisie, avec parfois une qualité d’inachevé très actuelle, Guidette Carbonell exprime un monde troublant, dans lequel on retrouve l’imaginaire de l’enfance.

Proche des artistes de l’École de Paris avec lesquels elle expose chez Jeanne Bucher, nourrie de culture orientale et méditerranéenne, subjuguée par l’évidence des représentations romanes et primitives, à une époque où l’on regarde le monde avec un oeil neuf, elle apporte dans ces années 50, souvent un peu clinquantes, une coloration particulière, une étrangeté frappante. Des sculptures animalières en céramique de ses débuts aux muraux géants de 1% architecturaux, qu’elle construit pratiquement seule et où elle est l’une des rares femmes à s’être illustrées avec tant de force, jusqu’aux derniers grands collages textiles des années 90, se déploie un bestiaire fabuleux où peu à peu, rappelant en ça Germaine Richier, l’humain se mêle à l’animal.

Ainsi dans l’esprit de synthèse des arts tout à fait de son temps, Guidette Carbonell s’est plongée tout au long de sa vie avec une curiosité insatiable dans les univers de la mythologie, de la musique, de la poésie et de science, sans jamais perdre son émerveillement devant la nature, pour créer une oeuvre forte et d’une expression qui nous apparaît aujourd’hui, par certains aspects très contemporaine.

 

Frédéric Bodet, Karine Lacquemant, Guidette Carbonell. Céramiques et tapisseries.

Édition Norma. Paris. 2007.